Vivaldi – Gloria RV 589

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Antonio Vivaldi (1678-1741) – Gloria en ré majeur RV 589

 

Portrait de Vivaldi vers 1700
Portrait de Vivaldi vers 1700

Le Gloria RV 589 (à ne pas confondre avec le Gloria RV 588) a été composé pour alto, soprano, chœur mixte, orchestre à corde, trompette, hautbois et basse continue.

C’est une œuvre très plaisante d’un point de vue strictement musical en raison de son écriture variée, entre contrepoint et bel canto; le choeur d’introduction, le mystérieux et sombre Et in terra pax, les duos entre sopranos, sont d’incontestables réussites. On y retrouve les habituelles ritournelles orchestrales et marches d’harmonies, sources du plaisir coupable ressenti par les snobs à l’écoute des œuvres de Vivaldi.

Vidéo du Gloria de Vivaldi

Pour découvrir le Gloria: une version de bonne qualité, malgré une soprano un peu faiblarde, interprétée par les étudiants du Collegium Singers & Baroque Orchestra de University of North Texas et mise en ligne par cette même université. Un grand merci à eux, s’ils nous lisent…

Le Gloria est à l’origine une chant de louange chrétien entonné au début de la messe après le Kyrie. Le texte latin du Gloria commence ainsi: «Glória in excélsis Deo et in terra pax homínibus bonae voluntátis, Laudámus te,benedícimus te, adoramus te (…)», ce qui donne en français: «Gloire à Dieu, au plus haut des cieux, Et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Nous te louons, nous te bénissons, nous t’adorons (…).»
Voir le texte du Gloria sur http://christus-web.com/gloria-in-excelsis-deo/.

Circonstances de la création du Gloria

Né à Venise, fils d’un barbier violoniste, le jeune Antonio a été tôt destiné à la prêtrise, sans doute pour lui assurer une bonne éducation, qu’il put financer grâce à ses talents d’instrumentiste (il appartenait à la même confrérie de musiciens que son père).

En 1703, Vivaldi fut ordonné prêtre puis engagé comme tel et comme maître d’instruments à la Pietà de Venise. Sa santé fragile ne lui permit de célébrer la messe que durant quelques années. La Pietà était un établissement de charité destiné à accueillir les enfants illégitimes, mais la réputation de l’établissement était telle qu’elle accueillit aussi des élèves extérieures issues de familles aisées.(1)

Le Seminario Musicale dell’ Ospedale della Pietà comprend un chœur exclusivement féminin. Les filles du chœur sont sollicitées en permanence pour les offices de la Pietà mais aussi dans d’autres lieux de culte y compris dans des propriétés aristocratiques(1). Le maître de chœur, à qui il revient de composer les œuvres de musique sacrée pour la Pietà, est Francesco Gasparini jusqu’en 1713.

En 1709 Vivaldi subit un revers puisqu’il n’est pas reconduit dans ses fonctions de maître de violon. Il en profite vraisemblablement pour rédiger son recueil de concertos l’Estro Armonico. Il est réengagé en 1711. Gasparini quitte sa charge en 1713 et Vivaldi, même s’il n’est que maître de violon, puis maître de concerts se voit enfin confier la composition d’œuvres de musique sacrée. Le Gloria date probablement de cette époque.

(1) Antonio Vivaldi, de Sylvie Mamy (Fayard 2011)

Analyse du Gloria de Vivaldi

Les parties chorales sont composées pour Soprano, Alto, Ténor, Basse (SATB), mais comme on le verra plus bas, elles peuvent être chantées par un chœur exclusivement féminin.

  • I. AllegroGloria in excelsis Deo, Gloire à Dieu au plus haut des cieux (Chœur)
    Contraste entre le rythme pointé de gloria et les valeurs longues de in excelcis. Les parties chorales sont souvent en homorythmie (même rythme) et la partie orchestrale est très simple, avec des trémolos et du bariolage harmonique mais l’ensemble fait son petit effet.
  • II. Andante Et in terra pax, Et paix sur la terre (Chœur)
    Passage du majeur au mineur. Après une introduction en imitation, l’orchestre se contente d’un accompagnement minimal mais efficace qui met en valeur le chœur. Le contrepoint est très libre et la longueur des syllabes varie, permettant à Vivaldi de conclure simultanément aux différentes voix des phrases qui entrent de manière décalée. Belle marche d’harmonie à la fin sur bonae voluntatis.
  • III. Allegro Laudamus te, Nous te louons (Sopranos I et II)
    Charmantes et ingénues, les deux sopranos chantent souvent ensemble dans une jolie harmonisation à la tierce. Mention spéciale à Emma Kirby et Judith Nelson qui ont merveilleusement interprété le Laudamus te dans la version de Simon Preston. Accompagement orchestral minimal. Décidément Vivaldi est très moderne.
  • IV. Adagio Gratias agimus tibi – Nous te rendons grâce (Chœur)
    Passage très court en mineur et en valeur longues en homorythmie.
  • V. Allegro – Propter magnam gloriam, Pour ta très grande gloire (Chœur)
    L’allegro est à nouveau en majeur. Vivaldi fait à nouveau dans l’antique avec ce canon enrichi d’un deuxième motif qui module vers le ton principal.
  • VI. Largo Domine Deus, Seigneur Dieu (Soprano, violon solo)
    Rythme ternaire, hautbois: les ingrédients traditionnels de la pastorale. La basse continue fait des hauts et des bas assez savoureux qui ne semblent pas perturber le dialogue du hautbois et de la soprano, qui sont souvent en isorythmie et à la tierce comme dans le Laudamus Te.
  • VII. AllegroDomine, Fili unigenite, Seigneur Fils unique (Chœur)
    Vivaldi s’est donné un peu de mal pour cet Allegro. Rythmes bondissants (croches pointées) aux violons, syncopes, appariement de l’alto et du 1er violon, ainsi que du soprano et du 2e violon, le rythme martial est surprenant mais on regrette la brièveté de l’ensemble.
  • VIII. AllegroDomine Deus, Agnus Dei, Seigneur Dieu, agneau de Dieu (Contralto and Chœur)
    Comme pour le passage de I à II Vivaldi utilise le ton mineur relatif du morceau précédent (ici passage de fa majeur à ré mineur). Le thème à la basse est bien charpenté, comme chez Bach ou Haendel. Phrases descendantes, chromatismes et utilisation de la voix d’alto sont caractéristiques de la déploration. Progressivement les valeurs longues s’installent jusqu’au miserere nobis, puis la basse continue seule pour une conclusion très carrée sur un ré sans ambiguïté.
  • IX. Adagio Qui tollis peccata mundi, Toi qui enlève les péchés du monde (Chœur)
    Homorythmie et valeurs longues comme en IV, mais avec des harmonies plus tourmentée, notamment un triton do-fa#, l’ancien diabolus in musica, sur Tollis.
  • X. Allegro Qui sedes ad dexteram Patris, Toi qui est assis à la droite du Père (Contralto, chœur)
    A nouveau le ton de si mineur de II. Cet allegro est étonnant: ritournelles et marches d’harmonies typiques d’un concerto pour violon dont la partie soliste serait assurée par la voix d’alto.
  • XI. AllegroQuoniam tu solus sanctus, Car tu es seul Saint (Chœur)
    Il s’agit d’une version abrégée de I qui pourrait terminer agréablement le Gloria, mais il est d’usage de conclure par une fugue ou quelque chose du même genre.
  • XII. AllegroCum Sancto Spiritu, Avec le Saint-Esprit (Chœur)
    Vivaldi reste dans le ton de ré majeur et termine donc avec une section assez consistante. Le motif principal est énoncé tantôt de concert par les membres de l’orchestre, tantôt de manière fuguée par le chœur. L’allegro se conclut sur un lumineux amen.

Vivaldi utilise des procédés très simples et plaisants et préfigure les classiques.

Les meilleures versions du Gloria de Vivaldi

Version choisie

Vivaldi -Gloria rv 589 - Ensemble Caprice [Analekta]
Vivaldi -Gloria RV 589 – (ens. Caprice) [Analekta]
Album: Gloria! Vivaldi et ses anges | Interprètes: Matthias Maute (direction), Ensemble Caprice | Editeur: Analekta
Voir sur Amazon.fr

Les travaux de Michael Talbot on montré que les chanteuses transposaient vraisemblablement les parties de ténor et de basse qui figurent sur la partition du Gloria. Il était donc tentant de réaliser une interprétation centrée autour d’un chœur exclusivement féminin. Cette option a été suivie en premier par Andrew Parrott et ses Taverner Consorts and Players . Le résultat est très intéressant; la tessiture réduite permet de mieux faire ressortir les frictions harmoniques des parties vocales.

Bien que la version de Parrot soit très réussie avec notamment des voix d’altos remarquables, nous avons choisi la version de l’ensemble Caprice, dirigé par Matthias Maute. Cette dernière version est plus conforme à la manière actuelle d’interpréter Vivaldi, avec des temps forts plus marqués et un tempo plus rapide. L’accompagnement orchestral de l’ensemble Caprice est très vivant, et même dansant, jamais artificiel.

Cela dit, il est conseillé de se procurer également un enregistrement plus classique avec chœur mixte (cf plus bas: Autres versions).

Cet enregistrement est recensé dans la petite discothèque classique (1)

 

Autres versions du Gloria

Vivaldi- Gloria RV 589 (Kirby, Preston, Academy of Ancient Music) -Decca
Vivaldi- Gloria RV 589 (Simon Preston) -Decca

Le Gloria de Vivaldi a été enregistré dans de nombreuses versions forts différentes et toutes pourvues d’intérêt. Nous avons beaucoup aimé la version plus ancienne de Simon Preston ( Voir sur Amazon.fr
dans la nouvelle édition, couplée avec le Stabat Mater par Hohwood) publiée chez l’Oiseau Lyre/Decca: Emma Kirby, à l’inimitable voix «blanche», et Judith Nelson sont absolument géniales; le chœur très émouvant et présent. Autre bonne version baroque: celle de Trevor Pinnock et l’English Concert. La version de Rinaldo Alessandrini, nous a semblé en comparaison trop « baroqueuse », trop théâtrale et pas assez spirituelle.
Parmi les versions « modernes », celle de Claudio Scimone est remarquable par la très grande beauté des parties chorales interprétées par les Ambrosian Singers; dommage que l’orchestre soit si terne en comparaison.

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