Brahls -Danses hongroises (Tal & Groethuysen )

Brahms – Danses hongroises

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Brahms - Danses hongroises - ed Simrock Source: Bibliothèque Musicale Petrucci
Brahms – Danses hongroises – ed Simrock
Source: Bibliothèque Musicale Petrucci

Les Danses hongroises, composées pour le piano à quatre mains, sont les œuvres les plus populaires de Johannes Brahms (1833-1897). Elles ont fait sa fortune, assez tardivement, et suscité rancœurs et jalousies. Paradoxalement, elles sont assez peu représentatives de sa musique et ne portent d’ailleurs pas de numéro d’opus, car ce sont des adaptations de danses célèbres et populaires…mais pas folkloriques, ainsi qu’ on le verra plus loin. Comme dans le Jazz, c’est le traitement qui compte, tout autant que les thèmes employés, et Brahms n’aimait pas la médiocrité.

1. Vidéo

Avant de présenter ces fameuses danses hongroises et de proposer une orientation discographique, mettons-nous dans l’ambiance en écoutant la première danse interprétée par Olga Kharitonova and Igor Machlak:

Circonstances de la création des danses hongroises

La rencontre avec Remenyi

Eduard Remenyi et Johannes Brahms en 1852
Eduard Remenyi et Johannes Brahms en 1852

En 1848, Brahms, âgé de 15 ans, fait la connaissance du violoniste Eduard Remenyi (né Hoffmann en 1830), un réfugié chassé de l’empire Austro- Hongrois pour avoir participé à la révolution hongroise de 1848. Avant d’embarquer pour l’Amérique, Remenyi se produit en concert à Hambourg et se voit proposer comme accompagnateur Brahms, à qui il fait découvrir les mélodies d’Europe centrale.

Après quatre ans d’itinérance, Remenyi revient en Europe 1852 et retrouve Brahms, qu’il embarque dans une tournée vers Hanovre, tournée qui connaît un grand succès grâce notamment aux danses hongroises. Pour la plupart d’entre-elle Brahms devait improviser l’accompagnement, aidé par sa mémoire prodigieuse. En chemin Brahms rencontre le violoniste Joseph Joachim, ancien condisciple de Remenyi à Vienne. Rencontre heureuse car Joachim deviendra un ami fidèle de Brahms.

Danses hongroises ou tziganes ?

Comme beaucoup de danses ont été jouées par les orchestres tziganes (roms) d’Europe centrale, ont a souvent dit que ces danses n’étaient pas hongroises. On peut lire par exemple dans d’excellents ouvrages que Brahms «ne connaissait pas le folklore hongrois (ou magyar) » (les magyars sont l’ethnie majoritaire en Hongrie) et qu’il a fallu attendre Bartok et Kodaly pour que ceux-ci exhument le véritable folklore hongrois, ce qui sous-entend que les danses hongroises de Brahms seraient tziganes et non magyares.

En réalité ces danses seraient bien hongroises… mais pas folkloriques, comme cela est précisé dans l’édition des danses hongroises publiées par Carol et Digby Bell dans laquelle on trouve cette citation de Bartok provenant d’ un article rédigé pour la revue The Musical Quarterly, Vol. 33, No. 2 (avril., 1947), pp. 240-257

« Je souhaiterais affirmer que ce que les gens (ce qui inclue les hongrois) appellent musique tzigane (« gypsy music ») n’est pas de la musique tzigane mais bien hongroise; ce n’est pas de la musique populaire mais un type assez récent de musique populaire hongroise, composée, pratiquement sans exception par des hongrois de la classe moyenne supérieure »

Les csárdás, danses à 2 ou 4 temps, très nombreuses dans ce recueil seraient à l’origine des danses magyares mais le nom proviendrait du perse via le turc… Il s’agirait bien de danses hongroises, qui furent adoptées par les orchestres tziganes lors des campagnes de recrutement militaire, pour finir leur carrière dans des auberges (csárdás). Au 19e siècle de nombreux musiciens hongrois composèrent et publièrent des csárdás , le nom de l’un de ces compositeurs vous est d’ailleurs familier…

Au fait qu’est-ce que cela donne quand un orchestre tzigane revisite les arrangements de Brahms ? On peut écouter les danses 6 et 5 (démarrage à 3’13) dans cette vidéo:

Première publication

Dès 1853 Brahms commence à arranger certaines danses mais le premier recueil ne fut publié dans la version définitive à quatre mains qu’en 1869 chez Simrock. Paraîtront ultérieurement un arrangement pour piano solo et une orchestration, réalisée par Brahms lui-même, des danses 1, 3 et 10 .

Brahms n’a pas cité ses sources, mais les musicologues ont retrouvé les danses dans de nombreux recueils. La 1ère est attribuée à Béla Sarkozi, la 5ème à Béla Keler, la 7ème à Remenyi etc… Brahms connaissait ces mélodies grâce à Remenyi, Joachim et aux nombreux orchestres itinérants qui parcouraient l’Autriche-Hongrie.

Tournée avec Joachim

En 1867, peu après la composition du Requieme allemand , Brahms part en tournée avec Joseph Joachim en Hongrie. Ce voyage suscitera la composition de 10 nouvelles danses dont 3 compositions originales de Brahms: les danses 11, 14 et 16. Ces deux autres cahiers seront publiés bien plus tard, en 1880.

Les danses hongroises

Description

Brahms a laissé de nombreuses indications rythmiques et dynamiques pour les interprètes, afin de recréer la façon particulière de jouer des orchestres tziganes marquée par d’incessantes variations d’intensité et de tempo. Les Danses hongroises présente souvent des modulations imprévues, des changements d’atmosphère qui préviennent toute lassitude de l’auditeur.

En ce qui concerne la transcription de Brahms, il y a souvent un décalage d’un demi temps entre les mains des deux pianistes à cause des syncopes et contretemps de la main droite, et parfois la partie aiguë (primo) est en décalage d’un quart de temps par rapport au secondo: l’ensemble est très moderne pour nos oreilles, puisqu’on trouve ce genre de procédé dans les ragtimes et le jazz.

Arrangements

Toutes les danses ont été orchestrées, 3 par Brahms, les autres par divers musiciens, dont Dvorak, qui composera plus tard ses propres « Danses slaves ». Joseph Joachim les a toutes transcrites pour violon et piano. Brahms qui aimait beaucoup les œuvres à 4 mains (on a vu qu’il préférait son quintette op. 34 sous cette forme), souhaitait que les danses soient jouées sous leur forme originelle.

« Je les aie conçues pour quatre mains. Si je l’avait fait pour orchestre, elles seraient différentes »

Mais enfin, puisque Brahms lui même a approuvé les transcriptions de Joachim, pourquoi ne pas écouter la 5e danse au violon et au piano ?

A la recherche de la meilleure version des Danses hongroises de Brahms

Nous nous limiterons aux versions intégrales au piano. Comme d’habitude nous attachons de l’importance à la lisibilité des enregistrements et nous avons dû éliminer le Duo Cromelinck, malgré sa grande musicalité, à cause d’une basse noyée dans le brouillard bien que Brahms n’ait donné aucune indication de pédale. La version de Beroff et Collard, a un peu vieilli à cause d’une prise de son éloignée et de choix interprétatifs un peu sages, mais elle n’en demeure pas moins une très belle version classique. La gravure d’Aloys et Alfons Kontarsky pour DG nous a semblé assez plate.

Celle de Katia et Marielle Labèque est un véritable ovni: aucune pédale ou réverbération, des basses très charpentées et des aigus grêles et cristallin. Peu d’alanguissements tziganes ou d’accents très marqués, l’ensemble est assez viril et fascinant et peu constituer une version alternative intéressante.

Version choisie

Brahms - Danses hongroises(Tal & Groethuysen)Cependant nous avons opté pour une version très différente: celle du duo Tal & Groethuysen. Ces deux merveilleux musiciens – l’israélienne Yaara Tal et l’allemand Andreas Groethuysen– respectent non seulement admirablement bien les indications de Brahms, en terme d’accent et d’articulation, mais réussissent à ajouter un petit quelque chose en plus: une respiration, un phrasé chantant, de subtiles variations de tempo dans la phrase, comme si ces mélodies hongroises étaient leur langage naturel.

Album: Brahms, hungarian dances | Interprètes: duo Tal et Groethuysen | Editeur: Sony Classical
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Cet enregistrement est recensé dans la petite discothèque idéale de la musique classique (2)
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Une réflexion sur « Brahms – Danses hongroises »

  1. il faut faire attention au caractère ethnocentrique de certains, comme Bartok, surtout lorsque l’on entre dans la question des origines en Hongrie, avec le regard condescendant du magyar vis-a-vis du « cigany » (une insulte en magyar)
    Liszt, a qui l’on ne peut pas reprocher de ne pas aimer les hongrois, avait lui confirme l’origine tzigane de ces musiques.
    L’ethnologie de Bartok n’a pas forcement valeur de vérité, meme si il est le musicien le plus reconnu en Hongrie (ce qui n’est pas indépendant, il faut aussi le noter, des conclusions de ses theories ethniques…)

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